Le bonheur selon Aristote
Le bonheur selon Aristote
"… une hirondelle ne fait pas le printemps, ni non plus un seul jour: et ainsi la félicité et le bonheur ne sont pas davantage l'œuvre d'une seule journée, ni d'un bref espace de temps." Aristote, Ethique à Nicomaque.
Certains nient l'existence de bonheur ou ne veulent pas en entendre parler.
Ainsi le Général de Gaulle à qui on demanda un jour - "Mon Général! Etes-vous heureux ?", répondit: - "Vous perdez la tête !... Vous savez bien que le bonheur n'existe pas!"
Faisons donc retour à Aristote, ce grand philosophe de la Grèce antique, qui a empoigné la question sans détour et en a fait tout un livre en observant que "…tous assimilent le fait de bien vivre et de réussir au fait d'être heureux. Par contre, en ce qui concerne la nature du bonheur, on ne s'entend plus, et les réponses de la foule ne ressemblent pas à celles des sages. Les uns, en effet, identifient le bonheur à quelque chose d'apparent et de visible, comme la plaisirs, la richesse ou l'honneur: pour les uns c'est une chose et pour les autres une autre chose; souvent le même homme change d'avis à son sujet…
Aujourd'hui, gouvernants, économistes et financiers ont assimilé le bonheur à la réussite et au progrès du niveau de vie, lesquels se définissent comme vie de bien être matériel, de vie d'accumulation et de consommation.
Et d'une certaine façon, ils nous l'imposent dans une tyrannie douce…
Mais le bon et le bien, nous le savons d'instinct est "quelque chose de personnel à chacun et qu'on peut difficilement nous ravir", dit encore Aristote pour qui le bonheur s'identifie principalement à la vertu.
Vertu!? Le mot semble si désuet et serait même aujourd'hui sujet à plaisanterie.
A une époque où tout se dit et tout se fait sans forcément vouloir l'authenticité ni même un bien clairement visé, et où l'on se satisfait de plaisirs superficiels,… le langage de la vertu s'avère curieux et agaçant!
Aristote se demande encore si "le bonheur est une chose qui peut s'apprendre, ou s'il s'acquiert par l'habitude ou quelque autre exercice, ou si enfin il nous échoit en partage par une certaine faveur divine ou même par le hasard."
Mais il démontre ensuite que les vertus morales ou de caractère telles que le courage, la modération ou la justice s'acquièrent par l'entraînement et la répétition et pense que les vertus intellectuelles comme la prudence et la sagesse sont forcément associées à la raison. Mais cela suppose à la fois de recevoir un solide enseignement et d'acquérir de l'expérience.
Oui mais… Aujourd'hui, il est bien difficile d'avoir une conviction ferme sur le juste et le bien tant il semble qu'il y a de paramètres qui s'entrecroisent dans les événements et situations même les plus ordinaires. Or si le bonheur dépend du bien… comment y arriver?
Aristote répond que tout citoyen est capable d'une juste perception de la réalité et d'une bonne délibération intérieure afin de se faire une opinion personnelle et décider comment mener une vie bonne.
Loin de se laisser chosifier par les structures simulacres de plaisir et les gouvernances financières, l'homme ou la femme que nous sommes aujourd'hui doit, de façon d'autant plus responsable sur cette planète agitée, faire preuve de volonté pour comprendre et transformer le monde. Et engager, au Nord comme au Sud, un mode de vie où chacun et chacune donne et prend sa part de plaisir.
Plaisir! Un mot qu'Aristote associe tant à la vertu qu'au bonheur, mais oui!
"Plaisir et peine s'étendent tout au long de la vie, et sont d'un grand poids et d'une grande force pour la vertu comme pour la vie heureuse, puisqu'on élit ce qui est agréable et qu'on évite ce qui est pénible.
Finalement, le bonheur, c'est peut-être plus accessible qu'on ne le pense, même s'il ne se cueille pas aussi aisément qu'une marguerite!
Il ressemble plus souvent à un buisson de rosiers où il faut se risquer pour obtenir le bouquet espéré.